Les incendies et... les animaux
- Fire Chaser 13

- 12 oct.
- 4 min de lecture
Nous avons tous déjà entendu ces histoires d’animaux capables de sentir venir une catastrophe avant qu’elle n’arrive. Les chiens qui s’agitent avant un tremblement de terre, les oiseaux qui disparaissent avant une tempête, les chats qui miaulent sans raison apparente… Et souvent, nous associons à ces comportement un “sixième sens”, une sorte d’instinct supérieur à celui de l’Homme.
Mais quand il s’agit des feux de forêts, qu’en est-il vraiment ?

L’instinct, oui… mais pas la magie
La science a beaucoup étudié ces comportements, et le constat est clair : les animaux ne “prédisent” pas les catastrophes, ils les ressentent. Ils captent avant nous des signaux que nous ignorons : de très légères vibrations, des changements de pression, d’odeur, ou de température.
Pour un séisme par exemple, certains réagissent quelques secondes avant l’onde principale. Pas des heures avant, pas des jours. Juste quelques secondes. Ce n’est pas de la magie, c’est de la biologie.
Pour les incendies, c’est un peu la même histoire. Certains insectes, comme les fameux coléoptères “pyrophiles”, sont capables de détecter la chaleur et la fumée à plusieurs kilomètres. Mais pour la grande majorité des espèces, la réaction est simple : fuir, se cacher ou résister.
Quand le feu approche : la grande épreuve
Le feu ne prévient pas, il surgit. Les individus les plus rapides s’en sortent, les plus vulnérables non.
Les grands mammifères fuient en direction des zones ouvertes, des vallons, des pistes, ou des points d’eau. Les oiseaux s’envolent parfois avant même que le front de flamme n’arrive, déroutés par la chaleur et la fumée.
Les petits animaux, eux, n’ont souvent qu’un choix : se terrer. Ceux qui vivent sous terre ou dans les anfractuosités ont un véritable avantage. Dans certaines régions d’Australie, les chercheurs ont observé que les terriers de wombats servaient de refuges à d’autres espèces pendant et après les feux. Pas parce que le wombat “sauve” les autres, mais parce que son habitat devient, par hasard, un abri pour tout le monde. Cela doit certainement être le cas pour les terriers de lapins chez nous.
La fumée, le danger invisible
On parle souvent du feu, mais la fumée est bien plus meurtrière. Elle s’infiltre partout, même là où les flammes ne passent pas. Elle étouffe, désoriente, et affaiblit.
Chez les oiseaux, des études ont montré que la fumée réduit la masse corporelle et perturbe la croissance des jeunes. Chez les mammifères, elle provoque des inflammations pulmonaires et du stress. Même le bétail, pourtant plus robuste, n’y échappe pas : toux, fatigue, baisse d’appétit.
Et c’est sans parler des effets sur le long terme : moins d’oxygène, système immunitaire fragilisé, comportements modifiés. Dans la nature, un animal malade ou affaibli devient une proie facile.
Après le feu : un milieu à recoloniser
Quand le feu s’éteint, le silence s’installe. La forêt brûlée devient un paysage lunaire. Ceux qui ont survécu doivent maintenant affronter autre chose : la faim, la soif, le manque d’abris.
Les zones noircies attirent parfois les prédateurs, profitant d’un terrain dégagé où tout se voit. Les espèces rapides et opportunistes, comme certains oiseaux granivores, reviennent les premières. Mais celles qui dépendent des arbres, de la canopée, ou des zones d’ombre, mettent des années à retrouver un équilibre.
Tout dépend alors de la mosaïque du feu : quand certaines zones ont été épargnées, elles servent de refuge et de point de départ pour la recolonisation. C’est tout l’enjeu de la gestion des forêts : maintenir ces “poches de vie” qui permettront à la faune de repartir.
Et pour les animaux domestiques ?
Eux dépendent entièrement de nous. Les chiens, les chats, les chevaux, les animaux d’élevage ne peuvent pas “sentir” le feu comme les sauvages. Ils paniquent, se désorientent, parfois s’échappent dans la mauvaise direction.
Prévoir un plan d’évacuation, préparer cages, documents, nourriture, eau, et savoir reconnaître les signes d’intoxication à la fumée (toux, respiration rapide, léthargie) peut sauver des vies. Le feu n’attend pas. Et dans le chaos, on réagit comme on s’est préparé.
Une leçon d’adaptation
Les incendies façonnent les paysages, mais aussi les comportements. À force de s’y confronter, certaines espèces s’y adaptent. Dans les zones où le feu est récurrent, la nature apprend à vivre avec. Les pins méditerranéens, par exemple, relâchent leurs graines après le passage des flammes. Chez les animaux aussi, une forme de sélection naturelle s’opère : seuls les plus rapides, les plus rusés ou les mieux cachés survivent.
Mais l’intensité des feux modernes, alimentée par la sécheresse récurrente, les canicules, le vent et l’urbanisation, dépasse ce que les écosystèmes ont connu jusqu’ici. Là où il fallait autrefois quelques décennies pour se régénérer, il faut aujourd’hui des siècles si le passage du feu est régulier.
Comprendre comment les animaux vivent, souffrent et s’adaptent face au feu, c’est comprendre la fragilité même du vivant, ses capacités de résistances et de résiliences. C’est aussi, quelque part, se rappeler que nous faisons partie de ce même cycle.
Références principales
Garcês et al., The Hell of Wildfires: The Impact on Wildlife and Its Consequences (MDPI, 2023)
Albery et al., How Wildfires Affect Patterns of Wildlife Disease (Fire Ecology, 2021)
Nihei et al., Wildfire Smoke Impacts the Body Condition and Capture Rates of Birds (The Auk, 2024)
Kay et al., Climate Change and Wildfire-Induced Alteration of Fight-or-Flight Behaviour (ScienceDirect, 2021)
Pausas et al., Evolutionary Fire Ecology (PMC, 2023)
AVMA, Wildfire Smoke and Animals
Krieg et al., Depressed Nestling Growth During Exposure to Smoke from Distant Wildfires (Nature, 2025)
Blakey et al., Mountain Lions Avoid Burned Areas and Increase Risky Behaviour (ScienceDirect, 2022)





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